Programme: Esquisse pour une installation scénographique pour le Festival international de Chaumont sur Loire.
Collaboration avec Ariko Matsumura (paysagisme) et Sabrina Tarasoff (direction artistique).
«Les vrais paradis sont les paradis qu’on a perdus.” (Proust)
Dans le deuxième tome de la Recherche du Temps Perdu, Marcel Proust évoque les paradis.
Mais que dit-il – ou plus exactement, que veut-il dire ? Que tous les paradis sont perdus ?
Que chaque paradis est pareil au Paradis Perdu de Milton ? Ou que le paradis ne peut être paradis qu’à condition d’être perdu ou de devenir une chose du passé ? Que le paradis en lui-même n’est qu’un autre mot pour ce que nous ressentons comme perdu ? Ou pour les pertes que nous ressentons ?
Chacune de ces variations est peut-être valable et peut-être même quelques-unes ensemble dans le même temps. C’est un sujet de fond pour qui cherche à traduire Proust : pour les traducteurs, c’est un problème de langue, mais pour ce qui nous concerne, c’est une question liée à l’idée même de trans-litération du paradis.
Et il en est ainsi de notre proposition pour le concours de Chaumont-sur-Loire : un paradis toujours ambivalent. En pénétrant l’enclos abrité par les haies, le visiteur pourra percevoir une reconstruction « artificielle » du paradis, coupée en deux parties égales par une cloison en PVC ondulé.
Depuis la première moitié, celle par laquelle on entre, c’est l’ersatz kitsch, industriel, affecté, excessif, qui domine visuellement. Nous avons choisi des composantes atypiques pour ce côté, de manière à les faire paraître artificielles : des gardénias anormalement blancs, des roses blanches, des sapins argentés et des violettes bleues, alors que des fruits manufacturés en céramique pendus aux arbres pourraient au premier abord sembler naturels. Accessible uniquement à ceux qui remarqueront les pas japonais situés vers le fond de l’enclos, du côté opposé, se trouve le « vrai » paradis, le paradis perdu – et peut-être ici retrouvé.

